mardi 14 février 2012

Parlez moi d'amour

"Ses doigts s'alanguissent derrière mon cou, les miens se perdent agréablement quelque part sous ses omoplates. Je tente de souder le rêve à la réalité, mais je travaille sans masque. Nos bouchent s'approchent l'une de l'autre. Le temps ralentit, il est presque arrêté. Nos lèvres prennent le relais, le plus moelleux des relais du monde. Elle se mêlent, délicatement et intensément. Sa langue me fait l'effet d'un moineau en train d'éclore sur la mienne, curieusement elle a un goût de fraise. 

Je la regarde cacher ses yeux immenses sous ses paupières-ombrelles et je me sens haltérophile de montagnes, Himalaya au bras gauche et Rocheuses au bras droit. Atlas est un nain besogneux à côté de moi ; de la joie géante m'inonde! Le train fait résonner ses fantômes à chacun de nos gestes. Le bruit de ses talons sur le plancher nous enveloppe." 

"Nous nous aimons comme deux allumettes vivantes. Nous ne parlons pas, nous nous enflammons. Ne parlons plus de baisers mais d'"incendie", mon corps est devenu un tremblement de terre d'un mètre soixante-six et demi. Mon coeur s'échappe de son enveloppe-prison. Il s'envole par les artères, s'installant sous mon crâne pour devenir cerveau. Dans chaque muscle et jusqu'au bout des doigts, le coeur! Soleil féroce, partout. Maladie rose à reflets rouges. 

 Je ne peux plus me passer de sa présence ; l'odeur de sa peau, le son de sa voix, ses petites façons d'être la fille la plus forte et la plus fragile du monde. Sa manie de ne pas mettre de lunettes pour voir le monde à travers l'écran de fumée de sa vue abimée ; sa façon à elle de se protéger. Voir sans voir vraiment et, surtout, sans se faire remarquer. 

Je découvre l'étrange mécanique de son coeur. Elle fonctionne avec un système de coquille autoprotectrice liée à l'abyssal manque de confiance qui l'habite. Une absence d'estime de soi se bagarrant avec une détermination hors du commun. Les étincelles que produit Miss Acacia en chantant sont les éclats de ses propres fêlures. Elle est capable de les projeter sur scène, mais dès que la musique s'arrête, elle perd l'équilibre. Je n'ai pas encore trouvé l'engrenage cassé en elle." 

La Mécanique du Coeur. Mathias Malzieu

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